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NADANOWSKA Joseph (1938-2004)

Joseph Nadanowska est né à Paris le 17 janvier 1938. Il a quatre ans lorsque, le 16 juin 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, il se retrouve seul à la sortie de l’école : sa mère, Szajndla, n’est pas là pour l’attendre. Conduit au commissariat de police du quartier, il est emmené le lendemain à l’hospice des Enfants assistés. Le 8 juillet 1942, toujours sans nouvelles de sa mère, l’Assistance publique décide de l’envoyer à la campagne, où il est placé dans une famille d’accueil.
Jusqu’à ses 12 ans, Joseph est élevé par le couple d’agriculteurs de Saône-et-Loire auquel il a été confié. Il grandit en compagnie de la fille de la maison et d’un autre pupille, qu’il considérera toute sa vie comme ses frère et sœur. En 1949, sans qu’on en connaisse les raisons, l’administration le change de placement et le confie à une autre famille, dans l’Allier.
En 1959, quelques jours avant sa majorité, Joseph interroge pour la première fois l’Assistance publique sur les circonstances de son admission et sur le sort de sa mère. Le directeur de l’agence des Enfants assistés de la Seine à Moulins lui répond : il ne peut donner aucune information. L’année 1968 sourit à Joseph ; il réussit un concours d’entrée à la SNCF, et rencontre Monique, avec qui il se marie. Dès le début de leur relation, il parle de son passé douloureux, raconte son « abandon », ses placements. C’est toujours avec tristesse qu’il évoque le souvenir de sa mère, dont il se souvient des longs cheveux bruns. Soutenu par son épouse, il reprend les démarches pour obtenir des réponses de l’administration sur son passé. En vain. À la fin des années 1990, il doit renoncer, car il est touché par une grave maladie, qui finit par l’emporter le 5 décembre 2004. Peu de temps avant sa mort, Joseph trouve la force d’interroger sa femme une dernière fois : « Et ma mère ? »
La réponse à cette question lancinante, Monique va la trouver par hasard, sur le site internet du Mémorial de la Shoah. En tapant leur nom de famille, elle découvre que la mère de Joseph, Szajndla Nadanowska, a été déportée à Auschwitz en juin 1942. En 2010, dans le dossier de son mari, que l’Aide sociale à l’enfance l’autorise enfin à consulter, Monique trouve un bulletin de renseignements établi le 17 juin 1942, lors du dépôt du petit garçon : « [Mère] de nationalité polonaise. Juive » ; et, plus loin : « la mère doit être incarcérée ». Aucun doute : dès le premier jour, l’Assistance publique savait. Et pour Monique, elle a commis une faute impardonnable en ne révélant jamais à Joseph que sa mère ne l’avait pas abandonné mais qu’elle avait été arrêtée puis déportée, parce qu’elle était juive.
Cette faute et ses conséquences terribles pour son mari, maintenu dans la croyance d’avoir été abandonné, coupé de son histoire et de ses origines juives, privé du statut de pupille de la nation auquel lui donnait droit la mort en déportation de sa mère, Monique décide de se battre pour qu’elles soient publiquement reconnues. Plus de cinq ans après ses premières démarches, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris accède à sa demande, et, en janvier 2016, au siège de l’institution, une plaque commémorative en hommage à Joseph et à sa mère est dévoilée.

Texte  : Antoine Rivière

Bibliographie

Sitographie

Images

Portrait de Joseph Nadanowska à 29 ans

Crédits : Archives nationales

Szajndla Nadanowska, la maman de Joseph, 16 décembre 1938

Source : Dossier de police administrative (surveillance des étrangers) au nom de Szajndla Nadanowska, Archives nationales, cote 19940465 article 4.

Crédits : Mémorial de la Shoah

Liste du convoi n°3 NADANOWSKA Szajndla - Mémorial de la Shoah, 18 juin 1942, au départ de Drancy et à destination d’Auschwitz, sur laquelle est inscrit le nom « NADANOWSKA Szajudla (sic) »

Source : Mémorial de la Shoah
Un soir de 2006, Monique Nadanowska, la veuve de Joseph, surfe sur internet, et, de liens en liens, arrive sur le site du Mémorial de la Shoah. Machinalement, elle tape « Nadanowska » dans le moteur de recherche. À sa grande surprise, elle voit apparaître sur l’écran le prénom et le nom de la mère de Joseph, Szajndla Nadanowska, et juste à côté : « déportée à Auschwitz par le convoi n° 3 au départ de Drancy le 22 juin 1942 ». Le choc est terrible. L’incrédulité et la colère l’emportent : sa mère a été arrêtée, déportée, assassinée à Auschwitz, et on a laissé Joseph grandir, vivre et mourir sans savoir. Comment est-ce possible ? Monique se remémore le silence de l’administration, les demandes de renseignements systématiquement repoussées, et décide que plus rien ne l’arrêtera, qu’il n’y aura plus de secrets.
Texte  : Antoine Rivière

Crédits : Droits réservés

Joseph Nadanowska à l’école primaire de Gannay-sur-Loire (Allier), 1949

Source : Collection personnelle de Monique Nadanowska
L’enfance et l’adolescence de Joseph sont celles d’un pupille ordinaire de l’Assistance publique, entre intégration au milieu d’accueil et sentiment persistant d’être en marge. En accord avec ses parents nourriciers et l’administration, il fait sa communion solennelle. À la ferme, il participe aux travaux agricoles. À l’école, il est bon élève, et obtient son certificat d’études. Il envisage de poursuivre ses études, mais se laisse finalement convaincre par ses parents nourriciers qui le poussent à travailler comme ouvrier agricole sur l’exploitation familiale.
Texte  : Antoine Rivière

Crédits : Droits réservés

Joseph Nadanowska en Algérie durant le conflit, 1959

Source : Collection personnelle de Monique Nadanowska

Crédits : DSOL

Lettre de Joseph Nadanowska au directeur de l’agence des Enfants assistés de la Seine à Moulins et la réponse de celui-ci, 4 et 9 janvier 1959

Source : Dossier individuel de Joseph Nadanowska, immatriculé comme “Abandonné” au service des Enfants assistés du département de la Seine en avril 1956, conservé à la Direction des solidarités de la ville de Paris (DSOL), sans cote.Joseph part faire son service militaire en Algérie. C’est de là-bas qu’en janvier 1959, à quelques jours de ses 21 ans, il interroge pour la première fois l’Assistance publique sur les circonstances de son admission et sur le sort de sa mère. Le directeur de l’agence de Moulins, dont dépendait la famille nourricière où il avait été placé, lui fait la réponse habituelle en la circonstance : « en ce qui concerne tes parents, je ne connais absolument rien sur eux, et même si j’avais su quelque chose je ne pourrais te le dire ».
Texte : Antoine Rivière

Crédits : Droits réservés

Cérémonie de dévoilement de la plaque commémorative en hommage à Joseph Nadanowska et à sa mère, Szajndla Nadanowska, en présence de Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, et de Serge Klarsfeld, président de l’association Fils et filles de déportés juifs de France, siège de l’AP-HP, Paris, 2016.

Source : Collection personnelle d’Antoine Rivière
L’inscription évoque le « préjudice subi » par Joseph Nadanowska, qui « n’a jamais su, malgré la mention "mère juive" dans son dossier, qu’il n’avait pas été abandonné par sa mère et que celle-ci était une victime de la haine raciale ».