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Quête des origines

« Vivre et ignorer sa propre origine cela me semble bien dur ». À la fin des années 1930, une jeune pupille de l’Assistance publique de Paris, tout juste majeure, fait part de son profond désarroi au directeur de l’institution qui l’a recueillie à sa naissance. Au-delà de son cas personnel, elle témoigne en réalité pour l’immense majorité des enfants abandonnés. Si, dans de nombreux mythes fondateurs, contes traditionnels ou romans du XIXe siècle, de Moïse au Rémi d’Hector Malot, l’ignorance de leur passé est souvent un ressort central du destin des enfants abandonnés, elle est également au cœur de la vie des êtres de chair et de sang que l’historien rencontre à travers les témoignages de personnes passées par les services d’assistance et de protection de l’enfance ou dans les archives des institutions d’accueil. Car tout au long des XIXe et XXe siècles, lorsque se structurent et s’organisent ces institutions, c’est bien le secret qui règne. Jusqu’à la fin des années 1970, les services d’assistance à l’enfance opposent en effet à leurs pupilles et anciens pupilles une fin de non-recevoir systématique à leurs demandes de renseignements sur l’identité de leurs parents ou sur les conditions dans lesquelles ils ont été abandonnés.
Pourtant, en ce début de XXIe siècle, la revendication d’un droit pour chaque enfant à connaître sa filiation semble désormais en passe d’être reconnue comme légitime et a d’ores et déjà trouvé des traductions législatives et règlementaires, notamment avec la création en 2002 du Conseil national d’accès aux origines personnelles. Malgré les insuffisances de la législation et les dysfonctionnements institutionnels dénoncés par des associations qui militent pour en finir avec le secret de la naissance, on mesure, à la lumière de l’histoire longue de la protection de l’enfance, le chemin parcouru. Quelles étaient la raison d’être et les justifications de ce long silence des administrations ? Comment est-on passé de la loi du secret à la revendication d’un droit d’accès aux origines ? Dans quelle mesure les pratiques des professionnels de la protection de l’enfance s’en trouvent-elles transformées ? Dans quelles conditions - réglementaires, matérielles, archivistiques… - se déroule aujourd’hui cette quête des origines ? Quels sont les obstacles auxquels elle continue de se heurter ? Quels changements apportent les nouvelles technologies, internet d’une part avec les sites de généalogie, blogs et forums de discussion, et tests ADN d’autre part, interdits dans certains pays mais couramment utilisés partout ?

Texte  : Antoine Rivière