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Educateurs de jeunes enfants

La profession d’éducateur de jeunes enfants (EJE) existe sous cette dénomination depuis 1973. Mais ce métier trouve son origine dans les jardins d’enfants du 19e siècle : les jardinières d’enfants sont leurs ancêtres.
Au cours du XIXe siècle, une attention particulière est portée sur le tout jeune enfant. Il devient un enjeu éducatif, hygiéniste et social et n’est plus du seul ressort de la sphère familiale. Pour la première fois apparaissent des dispositifs institutionnels de garde collective des petits citadins issus majoritairement des milieux populaires. Dès les années 1840, se déploient avec l’aide de l’État des salles d’asiles avec un personnel féminin, presque exclusivement bénévole, mais que l’on souhaite former. Ce mouvement des salles d’asile va donner naissance à la fin du XIXe siècle à deux figures professionnelles distinctes : d’un côté, l’institutrice qui va en partie se spécialiser dans les toutes nouvelles écoles maternelles ; de l’autre, la jardinière qui dans un versant plus social et hygiéniste va investir les « jardins d’enfants » qui vont s’implanter majoritairement dans les quartiers populaires.
Malgré l’accent mis sur le sanitaire et leur apparence d’infirmière, les jardinières vont ancrer leur pratique sur des théories pédagogiques innovantes venues de l’étranger. Une des premières influences est celle de l’Allemand Friedrich Froebel, inventeur du terme « kindergarten ». Durant le premier tiers du XXe siècle, les jardins d’enfants se multiplient, gérés aussi bien par des œuvres privées que des organismes semi-publics. Cet essor pose la question de la formation des jardinières qui deviennent une des carrières sociales féminines proposées dans les premières écoles dites de service social.
En 1959, la loi Debré change les conditions d’exercice du métier en réglementant l’éducation préscolaire : les jardinières sont alors assimilées aux institutrices si elles passent le certificat d’aptitude pédagogique, ou doivent trouver un emploi dans les crèches ou haltes-garderies. Les associations professionnelles et les diplômes adoptent alors progressivement les dénominations de « jardinières éducatrices », puis d’« éducatrices-jardinières ». En 1973 c’est un diplôme d’État qui consacre le vocable d’« éducateurs de jeunes enfants ». Bien que la profession soit toujours féminisée à 98 %, ce changement d’intitulé marque une volonté de professionnalisation et de rupture avec les représentations naturalisantes des qualités « féminines » et « maternelles » prêtées aux professionnelles de l’accueil de la petite enfance.
Leur inscription dans l’accueil pré-scolaire, puis dans le secteur du travail social, oriente leur formation façonnée par les savoirs psycho-pédagogiques du développement de l’enfant vers ce qui leur permettra d’assurer des missions de prévention précoce, de soutien à la parentalité, mais aussi progressivement de formation et d’encadrement des équipes. Principalement employés dans les structures d’accueil collectif de la petite enfance, les EJE peuvent aussi exercer en hôpital, dans des Maisons d’enfants à caractère social (MECS), en pouponnière, consultations de PMI (Protection maternelle et infantile), en « relais assistantes maternelles » (RAM) ou encore en ludothèque. La dernière réforme de la formation de 2018 poursuit son mouvement d’universitarisation et confère désormais un grade de licence au diplôme d’État, correspondant aux missions de formation et d’encadrement que les EJE sont de plus en plus amenés à assumer dans les diverses structures qui les recrutent à la fois en tant qu’ « experts » de la petite enfance et interface entre les « partenaires » que sont devenus les parents, les équipes et autres intervenants médico-sociaux de la protection de l’enfance. L’observation de l’enfant, héritée de la méthode Fröbel, est peut-être la trace la plus vivace de leur passé de jardinières, même infléchie par la logique de prévention.

Texte  : Mej Hilbold et Mathias Gardet

Documents

Bibliographie

Sitographie

Images

Bergère d’enfants, 1974

Source  : revue Avenirs, 1974

Élèves de l’école de jardinières avec leur professeur, 1926

Source : revue Minerva , n°46, 2e année, 1926

Élèves jardinières, Geza Vandor, 1937

Source : Fonds Horizons de France/Le Visage de l’enfance, 1937

Jardin d’enfants, Geza Vandor, 1937

Source : Fonds Horizons de France/Le Visage de l’enfance, 1937

Diplômes d’Etat, 1973

Trois titres de diplômes expriment les tâtonnements de L’Association des Ecoles de Jardinières d’enfants, les années précédant la création, en 1973, du diplôme d‘Educatrice de Jeunes Enfants.
Leur appellations vont varier entre : « la jardinière d’enfants », « l’éducatrice jardinière » et la « jardinière éducatrice ». Cela exprime les difficultés de la part des responsables de la formation et de la profession d’alors à quitter la notion d’une éducation qui considère l’enfant comme une plante qui a en elle tout le potentiel pour se développer par elle-même. Cette réflexion lancée par Comenius, pédagogue du 17iem siècle s’enrichit d’une autre, notion : l’enfant doit être en contact avec la nature pour bien se développer et peut ainsi devenir jardiner lui-même. Comenius sera le précurseur de toute une lignée de pédagogues comme J. Pestalozzi, F. Fröbel, J. J. Rousseau, P. F. Kergomard, C. Freinet etc…
Ce sont donc ces deux notions fondamentales de la profession qui ont été à la base de la démarche éducative de la profession et justifie l’appellation de « jardinière ».
Pourquoi, alors en 1978 il a été modifié le titre ? Je me souviens de quelques moqueries, nous assimilant à des légumes… Mais, précisément je l’ignore. Ce qui n’empêche quelque nostalgique concernant la « Jardinière ».
Texte  : Bernadette Moussy