Assistantes sociales
Les assistantes sociales prennent corps et se professionnalisent dans les années 1920 après que les premières écoles de service social sont apparues dans les années 1910. Ces professionnelles, qui souhaitent moderniser l’action charitable, se fixent un objectif double : mener des enquêtes pour évaluer la situation des familles à assister, puis s’occuper de leur prise en charge à la fois matérielle, sociale et sanitaire.
Dès l’entre-deux-guerres, l’enfance est l’un des publics privilégiés de l’action sociale. La protection de l’enfance est comprise au sens large et peut être divisée en trois branches. Jusque dans les années 1950, l’Assistance publique emploie surtout des enquêtrices bénévoles et le public des enfants assistés échappe ainsi largement aux assistantes sociales. La seconde branche concerne le domaine judiciaire, avec la création des premiers services sociaux des tribunaux pour enfants, à l’instar de celui fondé par Olga Spitzer. Enfin, la protection des enfants en bas âge s’organise autour des consultations de nourrissons. C’est cette branche médico-sociale qui s’affirme par la fusion, en 1938, du diplôme d’assistante avec celui, concurrent, des infirmières-visiteuses.
Ces différents efforts se structurent dans les années d’après-guerre. L’ordonnance du 2 février 1945 systématise le recours aux enquêtes sociales pour les enfants délinquants déférés au tribunal. Avec l’ordonnance du 2 novembre 1945, la protection maternelle et infantile (PMI) est instituée dans chaque département : les assistantes sociales de secteur doivent organiser les visites prénatales puis la surveillance sanitaire des nourrissons. La protection des enfants « en danger », dont les parents sont soupçonnés de maltraitance ou négligence de soin, est divisée entre une prise en charge administrative et judiciaire. Les assistantes de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui s’occupent également des enfants assistés, prennent en charge préventivement une partie de ces enfants, tandis que celles du tribunal s’occupent des enquêtes et du suivi des mineurs signalés en vertu de l’ordonnance du 23 décembre 1958.
Mais les années 1950 et 1960 sont aussi celles de l’apparition d’autres métiers de la protection de l’enfance. Dans le domaine judiciaire, les assistantes sont concurrencées par les éducateurs, tandis que les activités de PMI sont confiées aux puéricultrices. De plus, l’aspect médico-social de leur travail s’estompe alors que leur formation est définitivement séparée de celle des infirmières en 1969. Depuis, leurs activités de protection de l’enfance se recentrent sur leur volet social voire judiciaire. La loi du 10 juillet 1989 a organisé en particulier l’obligation, pour toute assistante sociale, de signaler à l’autorité judiciaire les cas d’enfants maltraités, conduisant à une envolée du nombre de ces signalements.
Texte : Lola Zappi
Documents
- Myriam David, "Rôle de l’assistante sociale dans le placement d’enfants", Informations sociales, n°7, juillet 1960, p. 5-11
- Yvonne Turpin, "Nous, assistantes de PMI", Informations sociales, n°8-9, août-septembre 1962, p. 14-17
- Denyse Delsarte, "Rapport de stage d’élève assistante sociale à Lille", texte manuscrit, 3 mai 1937, 16 p.
- Mlle Castex, "L’enquête à domicile", texte dactyl., janvier 1935, 10 p. ; suivi des "Principaux points soulevés au cours de la discussion sur "L’enquête à domicile"", avril 1935, 4 p.
Bibliographie
- Becquemin (Michèle), Protection de l’enfance : l’action de l’association Olga Spitzer, 1923-2003, Ramonville Saint-Agne, Erès, 2003.
- Becquemin (Michèle), Protection de l’enfance et placement familial : la Fondation Grancher : de l’hygiénisme à la suppléance parentale, Paris, Ed. Pétra, 2005.
- Knibiehler (Yvonne), Cornettes et blouses blanches : les infirmières dans la société française, 1880-1980, Paris, Hachette, 1984.
- Pascal (Henri), Histoire du travail social en France : de la fin du XIXe siècle à nos jours, Rennes, Presses de l’École des hautes études en santé publique, 2014.
- Rollet-Échalier (Catherine), La politique à l’égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, INED, 1990.
- Zappi (Lola), Les visages de l’État social : assistantes sociales et familles populaires durant l’entre-deux-guerre, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2022.
Sitographie
- Dictionnaire biographique en ligne des assistantes sociales du Centre d’études, de documentation, d’information et d’action sociales (CEDIAS – Musée social)
- Entretien de l’assistante sociale Catherine de Bechillon par Martine Trapon, directrice de l’École Normale Sociale : https://rb31511679.racontr.com/bechillon.html