Adoption nationale
Pendant tout le xixe siècle, l’adoption – telle que définie par le code civil de 1804 – est réservée aux seuls majeurs (21 ans) : c’est un moyen de transmission des héritages.
L’adoption en tant que mesure de protection de l’enfance est instituée en 1923 par une loi autorisant l’adoption d’un mineur par des adoptants âgés d’au moins 40 ans et sans enfant. Sa finalité est de donner une famille à un enfant qui n’en a pas, et non de donner un enfant à quelqu’un qui n’en a pas. Pour autant, l’adoption est bien une rencontre entre un besoin et une envie.
Dans l’entre-deux-guerres, le nombre d’adoptions varie entre 1 000 et 1 700 par an, ce qui est peu. C’est que les adoptants veulent des enfants sans partage. L’enfant orphelin demeure dans l’inconscient collectif l’enfant adoptable par excellence ; les enfants abandonnés pouvant toujours, à un moment ou à un autre, être réclamés par leurs parents de naissance avec lesquels les liens ne sont pas rompus sur le plan juridique. À côté de cette forme d’adoption qui demeure, une légitimation adoptive est instituée en 1939 : par jugement, un couple peut prendre en charge un enfant de moins de 5 ans et mention en est portée sur l’acte de naissance. L’adopté a les mêmes droits et obligations qu’un enfant légitime. Il porte le nom des adoptants, le but recherché est de se rapprocher au maximum du modèle familial. Le statut moderne de l’adopté naît avec cette loi. Dans l’après Seconde Guerre mondiale, environ 4 000 enfants, très jeunes, sont ainsi adoptés chaque année.
Dans les années 1960, plusieurs affaires opposant famille adoptive et famille de naissance sur la situation d’enfants abandonnés puis adoptés – notamment l’affaire Novack – mènent à la loi de 1966, qui institue l’adoption simple (souvent intrafamiliale) et l’adoption plénière qui rompt tout lien entre l’enfant et sa famille biologique et est irrévocable. Dix ans plus tard, une loi autorisant l’adoption en présence d’enfants légitimes ouvre de fait l’adoption des enfants atteints de handicap. Le mouvement d’adoption de pupilles de l’État de parents maghrébins ou noirs se développe également tardivement à partir des années 1970 et 1980. Cette évolution s’explique en partie par l’augmentation de la demande de la part de candidats à l’adoption disposant de l’agrément obligatoire et la diminution du nombre d’enfants adoptables en raison des lois permettant la contraception et l’IVG.
Depuis les années 1990, régulièrement la question de l’adoptabilité des enfants pris en charge par les services sociaux (DASS puis ASE) est posée, notamment sur les modalités d’application de l’article 350 du code civil (qui prévoit le retrait de l’autorité parentale. Si la loi de 1966 a été toilettée à plusieurs reprises, elle demeure le socle de l’adoption.
Texte : Yves Denéchère
Source illustration : "Jeu de l’oie de l’adoption", 3e de couverture de l’ouvrage L’adoption, et après , Alberte Robert, Editions Ergo-press, 1989.
Bibliographie
- Jean-François Mignot, L’adoption, Paris, La découverte, 2017.
- Yves Denéchère, « Histoires croisées des orphelins et de l’adoption », in Magali Molinié (dir.), Invisibles orphelins, Paris, Éditions Autrement, pp. 62-70, 2011.
- Fabio Macedo, Jean-François Mignot, Isabelle Robin (dossier préparé par), « Histoire de l’adoption. I. Formes adoptives (xvie–xxe siècles) » in Annales de Démographie Historique, 2021-1.