Crèches
Œuvres des philanthropes au milieu du XIXe siècle, les crèches sont conçues pour lutter contre la mortalité infantile, permettre aux mères de travailler, non sans participer à une entreprise de moralisation des familles des classes populaires. Elles naissent dans un contexte de mutations sociales : industrialisation, concentration urbaine, prolétarisation, auxquelles les philanthropes répondent par des nouveaux dispositifs d’aide et de régulation.
On peut considérer la crèche comme le premier maillon d’un système éducatif populaire mis en place au XIXe siècle : crèche (0-2 ans), salle d’asile et jardins d’enfants (2-6 ans), école primaire (7 ans et plus). La première crèche parisienne est créée en 1844 par Firmin Marbeau, qui appartient au courant du « catholicisme social ». Avec le tournant hygiéniste de la fin du XIXe siècle, les crèches se voient confiées aux médecins et aux infirmières puéricultrices, puis se laissent progressivement pénétrer par d’autres professions plus tournées vers des missions éducatives. Dans la première moitié du XXe siècle, l’initiative patronale permet de développer le modèle, qui reste somme toute limité.
Après la seconde guerre mondiale, les travaux de René Spitz et de John Bowlby sur l’hospitalisme et sur les liens d’attachement précoce du nourrisson se diffusent dans les milieux d’accueil de la petite enfance, notamment par la création de postes de psychologues dans les crèches (1956). Ils participent d’une prise de conscience, souvent sur le mode de la culpabilisation (des mères comme des professionnelles), de l’importance des besoins affectifs des jeunes enfants.
En réaction notamment à la discipline sanitaire régnant dans les crèches traditionnelles, l’apparition de crèches « sauvages » en mai 1968, plus tard institutionnalisées en « crèches parentales », a contribué à produire des changements dans les pratiques d’accueil des enfants, mais aussi de leurs parents qui étaient jusqu’alors exclus de l’espace de la crèche.
Aujourd’hui, les logiques sanitaires et socio-éducatives coexistent en crèche, ce dont témoigne la pluri-professionnalité des personnels : infirmier.e.s-puériculteur.ices, éducateur.ices de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, agents titulaires du CAP Petite enfance… La féminisation du secteur est cependant générale, avec 98 % de femmes professionnelles de la petite enfance, dans tous les métiers évoluant en crèche.
Les crèches s’inscrivent dans l’ensemble des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), qu’elles soient publiques (territoriales) ou privées (crèches associatives, crèches d’entreprise) et ont élargi leur public, qui n’est plus exclusivement de milieu populaire : leurs mérites en tant que lieu de socialisation des jeunes enfants sont reconnus et recherchés par les familles qui peuvent les considérer comme une bonne préparation à l’entrée à l’école maternelle.
Texte : Mej Hilbold
Bibliographie
- Bouve (Catherine), L’utopie des crèches françaises au XIXe siècle : un pari sur l’enfant « pauvre » Bern, Suisse : Peter Lang, 2010, 294 p.
- Bouve (Catherine), "L’éducation des jeunes enfants en crèches : quel renouvellement des normes politiques ?", Le Sociographe, n°71, pp.10-22, 2020.``
- Knibiehler, (Yvonne), "Modes de garde : permanences et changements à travers l’histoire", Spirale, n°30(2), pp.15-22, 2004.
- Mozère (Liane), Le printemps des crèches : histoire et analyse d’un mouvement, Paris, France : Ed. l’Harmattan, 1992.