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Appel à communications - Colloque "Quand les enfants voyagent : Histoires, expériences et représentations des enfants voyageurs", Angers, 26-27 mars 2026

Pour une histoire du voyage des enfants

Si les enfants voyageurs foisonnent dans la fiction, des Aventures de Télémaque (1699) à L’Ile au trésor (1883), leurs homologues non fictifs semblent à première vue plus rares. Dans son Manuel du voyageur, ou Recueil de dialogues (1799), Madame de Genlis, pourtant, prend bien en considération ces voyageurs souvent invisibilisés, en incluant un dialogue pour « une femme, ayant avec elle de petits enfans (sic), et arrivant dans une auberge » (Dialogue XVIII). Des recherches récentes attestent par ailleurs l’existence d’enfants voyageurs, qui accompagnent leurs parents touristes (Grenby, 2024), colons (Pomfret, 2015), explorateurs (Jarzebowski, 2016), militaires (Huxford, 2022) ou missionnaires (Morrison, 2024). En outre, de nombreux enfants ont également voyagé sans leurs parents, que ce soit dans le cadre de leurs études (écoles résidentielles, voyages scolaires, séjours linguistiques), de leur travail (en tant qu’apprentis, compagnons du devoir ou mousses), ou de projets caritatifs ou politiques tels que les orphan trains aux États-Unis ou les treni della felicità en Italie. Enfin, des enfants ont été déplacés en masse dans le cadre de projets de colonisation (Lashua, 2023, Boucher, 2014), de
décolonisation (Denéchère, 2024), ou encore dans le contexte de conflits en tant qu’évacués ou réfugiés (Baron 2019 ; Zahra 2011). Bien que l’histoire de ces migrations et exils involontaires d’enfants ait fait l’objet de travaux (Hobson Faure, Pignot et Rivière 2022), leur expérience de ces mobilités reste méconnue.

La reconstitution de cette histoire, ainsi que de l’expérience de ces enfants voyageurs, présente de nombreux défis. Si certains témoignages directs nous sont parvenus sous la forme de lettres, journaux, dessins ou, dans un contexte contemporain, d’entretiens, la plupart des informations disponibles proviennent de sources produites par des adultes. Il peut s’agir de la perspective d’une tierce personne ou de celle, rétrospective, de l’adulte
qu’ils sont devenus, comme dans le cas de Dervla Murphy qui, dans Wheels Within Wheels : The Making of a Traveller (1979), revient sur son enfance et ses premiers voyages. Ce colloque constitue ainsi tout d’abord une invitation à un travail d’archives et de recherche de documents et d’objets témoignant du voyage des enfants, dans une démarche de (re)découverte qui pourrait être rapprochée de celle qui se produisit dans les années 1980 pour les femmes voyageuses, dont l’existence même était mise en doute, jusqu’à ce que les féministes de la deuxième vague ne mettent au jour des centaines de récits et manuscrits. Des biais similaires ont mené la recherche à négliger les enfants,
jusqu’aux années 1970 et à l’émergence des childhood studies. De plus, si des
travaux précieux ont été réalisés sur les voyages de jeunes adultes, des aristocrates du Grand Tour (Verhoeven, 2017) aux étudiants voyageurs de l’après-guerre (Richard Ivan Jobs, 2017) et aux étudiants Erasmus (Cicchelli, 2012), l’histoire des plus jeunes demeure moins connue.

Enfin, bien que les enfants ne soient pas invisibles dans l’histoire du tourisme de masse (colonies de vacances, parcs d’attractions), d’importantes transformations ont eu lieu dans la façon dont on conçoit le voyage et les enfants, comme en témoigne la publication récente de nombreux guides pour voyager avec des enfants, comme celui de Lonely Planet, Travel with Children (2015). Ce sont les modalités, très variées, du voyage non fictif des enfants, et ses représentations, par eux-mêmes et par d’autres, que ce colloque, dans
une approche interdisciplinaire, se propose d’explorer, en se penchant sur ces mobilités volontaires, si tant est qu’elles puissent l’être pour un enfant.

Récits de voyage d’enfants : une impossibilité ?

Dans le récit de voyage, genre traditionnellement associé aux hommes, qu’ils aient été explorateurs, navigateurs, scientifiques, ou écrivains, l’enfant semble briller par son absence. Si à partir du XIXe siècle les femmes ont progressivement pénétré un marché éditorial jusque-là dominé par les hommes, les enfants en restent globalement exclus. Selon son âge, l’enfant n’est pas toujours capable de relater son expérience lui-même, ce qui peut expliquer, avant même la prise en compte d’autres considérations éditoriales, un corpus restreint. Néanmoins, la découverte récente d’un récit de voyage d’un Robert
Louis Stevenson âgé de 8 ans, « Travels in Perthshire » (1859), consigné par sa mère, constitue un encouragement à poursuivre ce travail d’archives, en allant même au-delà des juvenilia. A la question de l’alphabétisation de ces jeunes voyageurs s’ajoute celle du statut littéraire de leurs textes. Les études viatiques ont montré depuis cinquante ans que le récit de voyage, loin d’être un simple document, devait être considéré comme un monument au sens foucaldien (Viviès 1999, 44-45). Comment le penser pour les enfants, dont l’agentivité et l’auctorialité peuvent être mises en question ?

En outre, comment la tension entre faits et fiction, entre le référentiel et l’imaginaire, au cœur du récit de voyage se déploie-t-elle dans le cas des enfants ? D’autres débats centraux aux études viatiques sont ainsi mis en lumière par leur considération dans le cas d’enfants, telle la confrontation du voyageur à l’inconnu et aux limites de sa langue pour exprimer ce qui est littéralement inédit, ou inouï dans son pays. Comment cela se manifeste-t-il pour un enfant voyageur qui, selon son âge, peut avoir une maîtrise partielle
de sa langue, ainsi qu’un système de références culturelles plus souple ou bien peut-être au contraire plus rigide ?
La question de l’existence même de témoignages d’enfants a des ramifications sociales et politiques : quels enfants voyagent, quels enfants laissent une trace de leur expérience viatique, et pour quelles raisons ? L’identité de ces enfants, en termes de genre, de classe sociale, et de nationalité, influe sur les moyens de transport et la matérialité du voyage, tout autant que sur leur capacité à appréhender et à documenter cette expérience.

L’enfance étant une construction culturelle dont la définition varie selon l’époque et l’aire géographique, aucune limite d’âge stricte n’est fixée dans le cadre du colloque, mais les communications s’attacheront à contextualiser leur objet d’étude et à exposer son ancrage dans une période de vie conçue distinctement de l’âge adulte.

Ce colloque interdisciplinaire invite les participants à mettre en lumière les voyages non fictionnels des enfants, toutes aires culturelles et époques confondues. Parmi les différentes pistes qu’on pourra envisager :

Cet appel à communication est organisé par Anne-Florence Quaireau (CIRPaLL, UA) et Tom Williams (CIRPaLL, UA)
Avec le soutien du CIRPaLL, de l’Académie des jeunes chercheurs en Pays de la
Loire (PULSAR), de la Société d’Etude de la Littérature de Voyage Anglophone
(SELVA), de TEMOS et d’EnJeux.

Les langues du colloque seront le français et l’anglais.

Les propositions de communications en anglais ou en français, d’une longueur de 300 mots, accompagnées d’une brève biobibliographie, sont à envoyer avant le 12 septembre 2025 à anne-florence.quaireau@univ-angers.fr et tom.williams@univ-angers.fr.

Comité scientifique