Adoption internationale
La loi française de 1923 autorise l’adoption d’enfants français comme étrangers. Mais il faut attendre l’après Seconde Guerre mondiale pour qu’un mouvement transnational se développe. Dans l’Allemagne occupée, les autorités françaises organisent l’adoption en France de centaines d’enfants nés de père français et de mère allemande. Après la guerre de Corée (1950-1953), le pasteur américain Harry Holt lance l’adoption d’enfants métis aux États-Unis puis en Europe. En France la « Tribu arc-en-ciel » qui regroupe les 12 enfants adoptés par Joséphine Baker popularise l’adoption internationale.
Au début des années 1960, dans un mouvement de transnationalisation de la question sociale, le Service Social International (SSI) est la première organisation à réfléchir sur « l’adoption entre pays » comme mesure de protection de l’enfance. Au même moment, apparaissent des associations (Terre des Hommes notamment) dont l’objectif prioritaire est de sauver des enfants victimes du sous-développement. L’adoption leur apparaît comme un moyen efficace de répondre à cette injonction morale. La proportion d’enfants d’origine étrangère dans le nombre total d’adoptions plénières en France passe de 8,5 % en 1970 à 15 % en 1973.
La diminution du nombre d’enfants adoptables en France pousse les candidats à l’adoption vers l’étranger qui semble l’espace de tous les possibles. Dans la décennie 1980 les pays d’origine sont plus nombreux, les intermédiaires et les filières se multiplient, le nombre d’enfants augmente rapidement : 935 visas « adoption » délivrés pour des enfants étrangers originaires de 10 pays en 1980, 2 227 de 28 pays en 1986. La croissance du phénomène s’accompagne de réflexions sur les objectifs et les moyens. Dans les pays-sources où la misère règne, les candidats à l’adoption des pays riches se trouvent en concurrence. De mauvaises pratiques et des déviances s’installent.
Des règles sont nécessaires : en 1985, l’agrément pour l’adoption d’un enfant étranger devient obligatoire (il l’est depuis 1967 pour un enfant français). À partir de 1989, les œuvres agréées pour l’adoption doivent obtenir une habilitation du ministère des Affaires étrangères. La Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale établie à La Haye le 29 mai 1993 est le premier texte de régulation à l’échelle transnationale. Elle consacre le souci de protéger l’enfant et le principe de subsidiarité, déjà énoncés dans la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Après sa ratification en 1998, la France doit rendre son système plus simple et plus sûr dans l’intérêt supérieur de l’enfant. D’où plusieurs réformes successives alors que le phénomène s’effondre : 4 136 arrivées d’enfants en 2005 ; 244 en 2020. Aujourd’hui, les personnes adoptées devenues adultes constituent un nouvel acteur de l’adoption internationale qui pose des questions notamment sur les pratiques illicites de l’adoption internationale.
Texte : Yves Denéchère
Bibliographie
- Yves Denéchère, Des enfants venus de loin. Histoire de l’adoption internationale en France, Paris, Armand Colin, 2011.
- Yves Denéchère, « L’adoption transnationale entre idéologies, humanitaire et catharsis. Fins de guerres, décolonisation et guerre froide en France et aux États-Unis (1945-1975) », Annales de Démographie Historique, 2021/1, no141, p.95-122.
- Sébastien Roux, Sang d’encre. Enquête sur la fin de l’adoption internationale, Paris, Vendémiaire, 2022.